94De ce point de vue, le modèle pictural du texte stevensonien serait à chercher encore dans la peinture hollandaise, mais celle de Max Escher dont les Trois sphères II (1946) pourraient représenter une variation analogue sur la transparence et la matité,50 la réflexion de la personne et son effacement, la présence de l'artiste et son absence, ne serait-ce que par rapport à la Main avec sphère réfléchissante de 1935. On revient à l'inquiétude initiale. We will treat your data with respect. On voit un peintre, visible de dos, en train de se peindre, avec à gauche, un miroir, et à droite, la toile : Le peintre, dont le visage « réel » reste inaccessible, est en train de transposer sa ressemblance du miroir à la toile. 50-51. 51 R. Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, XII, trad. L’exposition Escher; Entrée; Horaires d’ouverture; Notre emplacement; Selon nos visiteurs; À propos d’Escher. 93On est ici dans la fausse spécularité, dans une perspective dépravée : faux « écho » en tout cas, puisque Utterson ne dit pas du tout la même chose que Poole. Willkommen bei Amorosart, einer neuen Website, die sich moderner und zeitgenössischer Druckgraphik, Plakaten und illustrierten Büchern widmet. Tout le texte final de Jekyll est régi selon cette dialectique présence-absence repérée par Stoichita : ce qui semblait s'annoncer comme une somptueuse composition autobiographique s'avère n'être qu'une vaste « vanité », au sein de laquelle Jekyll, se mirant dans sa propre écriture, se perd, se scinde et se schize faute de pouvoir être à la fois au dedans et au dehors de sa toile. 4 « The House of Eld », in Dr Jekyll and Mr Hyde with other fables, Longmans, 1913. 80On pourra se demander pourquoi ce détour par l'histoire de l'autoportrait au miroir dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle, et pourquoi avoir choisi ce siècle comme modèle pictural explicatif d'un texte littéraire du XIXe siècle anglais. 13 « It wasn't like a man ; it was like some damned Juggernaut... » (18). C'est le cas chez Hondius, qui inscrit sa propre signature sur une plaque gravée, à l'extrémité gauche de l'image, avec une figure d'Hercule : sa signature, « Hh », joue alors sur la polarité Hercule/hondius, l'initiale du nom du peintre étant rapetissée par rapport à celle du géant représentée sur la plaque où elle le côtoie. close. 39 Lacan, « L'anamorphose », op. XXV, p. 193. 7 J. Gracq, En lisant en écrivant, Paris, Corti, 1980, pp. Chez Claesz, la sphère réfléchissante est placée à gauche, le crâne à droite. La boule même dans laquelle on voit le peintre à son chevalet - et, par reflet, une partie des objets du premier plan (montre, violon, plume) - est un symbole de la vanité des choses et de la fragilité du monde. 20– c'est lui qui emporte chez lui les deux récits à la première personne, ceux de Lanyon et de Jekyll, qui viennent donner un nouvel éclairage sur l'affaire. Zeuxis meurt d'avoir peint : le vertige identitaire qui pouvait saisir Gumpp est alors résolu. £2,500. 10 Sur le cauchemar du notaire, voir J.-P. Naugrette, « Dr Jekyll and Mr Hyde : dans le labyrinthe, » Tropismes, n° 5, « L'errance », Université de Paris X-Nanterre, 1991. courbure de champ du miroir sphérique concave: Source: Own work: Author: Jean-Jacques MILAN 22:11, 4 June 2008 (UTC) Licensing . Escher Works © The M.C. du Seuil, 1970. Tout le monde a donc vu Hyde, mais personne ne peut le décrire complètement, sans doute parce que Hyde représente le refoulé monstrueux de toute une société,16 et que voir Hyde c'est donc se voir soi-même. Les Néerlandais : un autoportrait: Un peuple au miroir de lui-même | Pierre-Jean Brassac | ISBN: 9782343026671 | Kostenloser Versand für alle Bücher mit Versand und Verkauf duch Amazon. On n'en saura guère plus6 : de toute la cuisine, Stevenson ne mentionnera que le « kitchen poker » avec lequel Mr Utterson partira à l'assaut du cabinet dans la scène finale. 8 R. Barthes, S/Z, xxiii, Paris, Ed. Ce qu'il fera très exactement avec son ami et client le Dr Jekyll. Professeur à l'Université de ParisX-Nanterre et spécialiste de Robert Louis Stevenson, il a publié Robert Louis Stevenson : l'aventure et son double (PENS, 1987) et Lectures aventureuses (Ed. Du même coup, Stevenson déplace ici la problématique gothique du portrait doublant la réalité sur le terrain du portrait littéraire, tel celui d'Utterson qui ouvre le récit. This is "Autoportrait au miroir. IPFONE 11 PRO. Et le seul « portrait » mentionné comme objet par Stevenson est celui du père de Jekyll, que Hyde, entre autres méfaits, a sauvagement détruit : scrawling in my own hand blasphemies on the pages of my books, burning the letters and destroying the portrait of my father... (218). OpenEdition member – Published with Lodel – Administration only, You will be redirected to OpenEdition Search, L'archive : horizons de la création contemporaine, Écriture de la violence, violence de l'écriture, Perspectives on Modern Literary Criticism, A digital resources portal for the humanities and social sciences, https://doi.org/10.4000/sillagescritiques.3868, D'un portrait à l'autre : Dr Jekyll ou le portrait impossible, Le cas étrange du Dr Jekyll, ou l'hypothèse de la peinture hollandaise, On the Possibility and Plurality of Worlds: from, licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International, Consignes aux Rapporteurs - Instructions for Reviewers, Composition des comités et fonctionnement, Catalogue of 552 journals. His most inspired youthful works are actually his self-portraits: they seem to capture his presence only fleetingly, and he gazes out of the frame at us with a … 35 J.-M. Beyssade, « Commentaires » à l'édition du Livre de Poche pré-citée, p. 183. Chez tous les auteurs cités, la décoration intérieure repose sur une charge, voire une surcharge mobilière, un goût pour la décoration excessive héritée de la tradition gothique - tentures, rideaux, lits à baldaquin, satin, brocarts, etc. M.C. La figure du peintre était bien un phallus, mais dans ce jeu permanent sur l'expansion-rétraction, sur la grandeur et la petitesse, ce phallus n'était qu'un fantôme : à propos des Ambassadeurs de Holbein, Lacan parle de « l'apparition du fantôme phallique »29 qu'est pour lui le crâne anamorphosé. On sait, à lire par exemple The Wrecker, que Stevenson admirait Balzac, mais il semble que le récit stevensonien prenne le contrepied de ce que Julien Gracq appelle, L'aspect overdressed du récit balzacien, toujours habillé de pied en cap, meublé, drapé, enguirlandé comme un salon de la Belle Epoque, et d'autant plus que l'époque où il se situe est une période de transition, où les modes et les styles se côtoient et se bousculent sans s'éliminer, le pantalon et la culotte, la botte et l'escarpin, le style Empire et le style Restauration (...) C'est ce qui donne à ses romans, simultanément, la chaleur directe, irremplaçable, du vécu, et la séduction que donnent pour nous les intimistes hollandais ou vénitiens.7. Autoportrait Au Miroir, 1984; 37 x 28 x 16 cm. De cette forme d'autobiographie à la Clarendon, ne restera ici que cette trace, ce fragment du testament où Jekyll, on l'a vu, parle de lui-même à la troisième personne : fragment brièvement cité par Utterson, trace d'une trace. Voir aussi la fin de The Moonstone, où Franklin Blake refuse de contempler le corps de Godfrey Ablewhite assassiné dans sa chambre d'hôtel, sans doute parce qu'il lui ressemble : les raisons sont plus psychologiques. Le regard de Lanyon se retourne en quelque sorte contre son auteur, qui vieillit d'un seul coup, et en meurt. All rights reserved. cit., p. 101. 12 Voir J.-P. Naugrette, Robert Louis Stevenson : l'aventure et son double, Paris, PENS, « Off-shore », 1987. 41 Karel van Mander, cité par Norbert Schneider, L'art du portrait : les plus grandes oeuvres européennes 1420-1670, Benedikt Taschen, 1994, p. 115. 47Il est clair que le miroir n'a pas la même fonction dans les deux cas : entre temps, Jekyll est devenu écrivain. Alain Michon." 72La boule et le crâne sont les deux sphères renvoyant une double image de la futilité de l'existence : vanitas vanitatum. Entre ces deux éléments se trouvent d'autres objets qui font allusion soit au temps qui passe (la montre, le luminaire éteint), soit à la fragilité de l'existence (la noix cassée, le verre, la plume), soit encore aux arts (le violon, de nouveau la plume). Dans le premier exemple, le miroir sert à constater la métamorphose voulue par un docteur qui s'est pris comme objet de ses propres expériences : dans le deuxième, il est le support de l'autobiographie pour ce docteur qui s'est pris comme objet de son propre regard. Autoportrait au miroir; Self Portrait in the Mirror; Date 1966, printed 2018. 5 « The Ideal House », Tusitala Edition, vol. En principe, ils travaillent tel qu'un télescope Schmid-Cassegrain, c’est-à-dire il a un miroir primaire sphérique et un miroir secondaire. J. Sirven, Paris, Vrin, 1994, pp. Le crâne, qui côtoie verre, violon ou noix renvoie au spectateur l'image de sa propre mort, et corrige son regard porté sur les choses. » (Sermon pour la profession de Mme de La Vallière, 1675). D'où l'insertion d'un emblème, celui d'un chat et d'un chien qui flanquent le peintre, matérialisation de la schize dont Gumpp est potentiellement victime : les deux animaux semblent prêts à se déchirer mutuellement. He was small, and very plainly dressed ; and the look of him, even at that distance, went somehow strongly against the watcher's inclination (42). Ou essaies-tu d'imiter le peintre qui est mort de rire ?41. 29 J. Lacan, « L'anamorphose », op. 1 Toutes les références au texte de Stevenson données entre parenthèses dans le corps de l'article renvoient à l'édition bilingue du Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde, Paris, Le Livre de Poche, n° 8704, trad. De l'ameublement gothique, ne restent que des signes, des traces, des pistes, et très peu d'objets : l'amphithéâtre vide encombré de caisses, la porte capitonnée de rouge qui donne sur le cabinet du docteur, pièce spacieuse mais qui semble ne comporter, pour tout ameublement, qu'un grand miroir sur pied et une table de travail : furnished, among other things, with a cheval-glass and a business table (78). Jean-Pierre Naugrette, “ Dr Jekyll and Mr Hyde : autoportrait au miroir…”, Sillages critiques [Online], 2 | 2001, Online since 01 July 2014, connection on 10 January 2021. 11 se tient maintenant en deçà de la barrière, devant l'appui où sont placés la palette, les pinceaux, la pierre à broyer les couleurs, les cahiers d'esquisse, une plaque de cuivre. Prints available from €19 | $22.49 Le travail de l'artiste est ainsi vu à la fois comme étant extérieur et intérieur à l'oeuvre qu'il produit.25. 71* vie/mort = vanitas. Il y a – au moins – Jekyll qui écrit, Jekyll qui regarde Jekyll dans la glace tout en écrivant, Jekyll qui dit « Je » dans le texte de sa confession. Amalric, n° 40, Montpellier, oct. 1994, et notamment la partie intitulée « Trois noms du XVIIe siècle, ou l'hypothèse du tableau de Van Dyck ». Cette « archéologie du regard » dont parle Ann Lecercle à propos de Poe9 ne concerne pas ici seulement le regard que portent les personnages les uns sur les autres, mais aussi le regard porté par le critique sur le texte. D'où son silence sur les plaisirs en question, qu'il se contentera de décrire, laconiquement, comme « undignified » chez Jekyll et « monstrous » chez Hyde (186), sans que le lecteur en sache plus. Cet autoportrait exprime son intérêt pour les jeux de miroir et pour la représentation spatiale des objets. Peu à peu, le phallus du crayon écrivant se rabougrit. Est-ce un composé monstrueux de choses incompatibles ? Bidding closed. Utterson, par exemple ? Pour pouvoir couler son « peindre » en image, il a dû quitter le chevalet, franchir le seuil de la porte ouverte et retourner non pas dans l'image, mais devant elle. Paradoxalement, la peinture de soi, loin de permettre l'accession à une meilleure connaissance de soi-même, consacre un émiettement spéculaire de la personnalité (au moins trois Jekyll, au moins comme trois figures de Gumpp dans son tableau), puis l'émergence de la figure de l'Autre, comme Rembrandt se peignant sous les traits de Zeuxis ricanant (on sait qu'un des traits de Hyde est précisément le rictus infernal) et qui voit se profiler une vieille femme. Le roman – c'est-à-dire l'autoportrait – de Hyde reste à écrire, à décrire. Sa tête est légèrement tournée vers la gauche, son pinceau approche la toile. Voir « Dr Jekyll and Mr Hyde : dans le labyrinthe », op. On a vu que dans un premier temps, Jekyll nouvellement métamorphosé courait vers le miroir de sa chambre pour accueillir avec soulagement cet autre lui-même : ... when I looked upon that ugly idol in the glass, I was conscious of no repugnance, rather of a leap of welcome. La décoration est ici affaire de religion, puisqu'à l'opulence héritée du catholicisme espagnol est opposée la simplicité fruste et farouche du calvinisme qui a tant marqué Stevenson dans son enfance. Les raisons en sont multiples. Le miroir posé à côté de Jekyll écrivant n'est plus un simple instrument de travail permettant au peintre de se voir lui-même, mais une sorte de surface autonome, indépendante, active, qui aurait englouti ce dont elle était le reflet, telle la boule de verre ou le crâne chez Claesz, qui matérialisent dans le tableau la vanité du peintre, sinon du peindre. 2Le fait que Stevenson, utilisant la voix « off » de la troisième personne, ait choisi précisément cette description inaugurale, n'est pas sans conséquences pour la suite des événements, et donne le ton, voire la tonalité esthétique du conte : 31) par rapport à la tradition fantastico-gothique du XIXe siècle, illustrée entre autres par Edgar Poe (The Oval Portrait), Maturin (Melmoth the Wanderer) et bien sûr Oscar Wilde (The Picture of Dorian Gray), qui repose sur le topos du portrait comme objet d'art représentant une image qui va se superposer, voire se confondre avec le vivant de la réalité, Stevenson solde ses comptes avec sa nouvelle fantastique Olalla publiée en décembre 1885, précédant donc de peu The Strange Case. L’œil difforme semble … Le Jeune Acteur, 1983. 18– c'est lui qui mène alors l'enquête et traque inlassablement Hyde, malgré les objurgations répétées de Jekyll, jusqu'à la nuit finale où il provoque directement le suicide de Hyde, et par là même, ironiquement, la disparition de Jekyll, son client et ami. Le thème du miroir est récurrent dans les autoportraits de Spilliaert. 12-dic-2012 - Bill Brandt, “Autoportrait au miroir”, East Sussex Coast, 1966. ), celle d'Oxford (Ashmolean Museum), de Rotterdam (Musée Boymans-van Beuningen) et de La Haye (Mauritshuis), toutes reproduites dans le catalogue de l'exposition De Rembrandt à Vermeer, Grand Palais (19 février-30 juin 1986), Ed. Dans The Strange Case, l'archéologie du regard stevensonien offre trois versions d'un même effroi : la pétrification avec Utterson et Enfield, sauvés in extremis par la fermeture de la fenêtre, la destruction avec Lanyon, contemplateur d'un changement dévastateur, la décomposition avec Jekyll, qui dans sa confession finale va vivre en temps réel une métamorphose qui avait pris quelques secondes sous le regard de Utterson, Enfield et Lanyon, et que lui va expérimenter en s'auto-décrivant, le temps de son récit. Ici encore, le notaire joue un rôle essentiel, mais cette fois en tant que focalisateur de toute la première partie -c'est en tout cas à travers son regard que l'enquête policière de Mr Seek est menée jusqu'à la découverte des deux manuscrits posthumes écrits par les docteurs Lanyon et Jekyll à la première personne, premier effet de miroir interne de la deuxième partie. Have a question? Dans The Merry Men, une autre nouvelle fantastique de Stevenson (1882), la modeste cuisine d'un cottage écossais est soudain envahie par les reliques d'un vaisseau de l'Invincible Armada - on retrouve l'Espagne - pillé par l'oncle Gordon, objets que le narrateur qualifie de « incongruous additions »3. This is part of a limited edition set. Mais précisément, la beauté du portrait de Jekyll-Hyde, qui termine The Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde sans le clore, réside dans ce qu'il demeure quelque part dans l'inachevé, ou portrait d'un inconnu : <... Je préfère, je crois, aux oeuvres les plus achevées, celles où n'a pu être maîtrisé... où l'on sent affleurer encore le tâtonnement anxieux... le doute... le tourment...>, je bafouille de plus en plus... Je me sens entraîné sans pouvoir me retenir sur une pente glissante, je sais qu'il faut m'arrêter, mais une audace stupide me prend, un besoin peut-être chez moi aussi de la défier, cette sorte de vertige qui pousse certains coupables, sachant leur cause perdue, à prendre follement les devants et à provoquer leurs adversaires... < ou bien... tenez... par exemple...>, je détourne les yeux... < il y a un tableau... vous ne le connaissez pas, probablement... il n'est pas très connu... un portrait... dans un musée hollandais... il n'est même pas signé... le portrait d'un inconnu... l'Homme au Pourpoint ... je l'appelle ainsi... eh bien, il y a quelque chose dans ce portrait... une angoisse... comme un appel... je... je le préfère à n'importe quoi...53.